Le roman Felix Austria se déroule à Stanislaviv, l’actuelle Ivano-Frankivsk, autour de 1900. Nous sommes dans l’une des capitales culturelles de la Galicie, qui fait alors partie de l’empire d’Autriche-Hongrie. La vie de cette paisible ville des confins de l’Europe est vue à travers les yeux de Stefania, une Ukrainienne qui travaille comme cuisinière dans une famille aisée. Le récit explore les destins entrecroisés d’Adèle et de sa domestique, empêtrées dans une relation fusionnelle qui tournera mal. Dans sa transition vers la modernité, si bien décrite par Musil ou Stefan Zweig, ce monde s’avère à la fois hermétique et incroyablement divers, un melting-pot foisonnant d’ethnies, de langues et de religions. Cependant, malgré sa prospérité et sa stabilité apparentes, cette société porte les ferments de sa propre dissolution. Les habitants y vivent, y souffrent, éprouvent des amours non partagées, se passionnent pour les sciences ou des spectacles de magie, s’amusent dans les bals et les carnavals, se promènent et dissimulent leurs secrets dans des armoires. Le mythe d’une vie idyllique, d’une « Felix Austria » (« heureuse Autriche ») disparue, dessine une société tolérante et multiculturelle : c’est à partir de cet exemple, malgré ses faux-semblants, que l’Ukraine d’aujourd’hui cherche à se reconstruire.